Tu m'as suivie jusqu'à la voiture, confiant, lent, doux,
Tu le savais peut-être
Ou pas
Comme souvent ces derniers temps, j'ai dû t'aider
Te hisser soulever caresser
Je t'aimais tant
A l'avant, côté passager,
Tu t'es affalé
Ton regard voilé
Vers moi s'est tourné
Peut-être
Ou pas
Je t'ai gratté le crâne, confiante, lente, douce,
Emmené dans ce lieu d'où tu ne reviendrais jamais,
Tu le sentais peut-être
Ou pas
De petits gâteaux le trajet fut ponctué
Comme le Petit Poucet, tu sais,
Sorte de couronnement croquant
De nos années entre nous.
Tu les as mangés avec appétit
Les yeux à moitié fermés, bercé par le ronronnement des fleurs
Ou par la langueur
Déjà en toi, l'envie d'un ailleurs d'où tu n'émergerais pas
Du moins pas sous cette forme-là, mais émietté, éparpillé
Dans une boîte dure et indifférente portant ton identité
Matricule ridicule et abstrait
Avant de te fondre au milieu des rigoles fertiles que je creuserai.
Tu m'as suivie jusqu'à la salle, confiant, lent, épuisé
Après plus de deux heures d'attente à mes pieds,
Tout contre moi, tranquille mais si fatigué,
Ton corps, ce lâche, ne voulait plus te porter sur les chemins constellés de brumes
Le long des champs empli de longues herbes où tu aimais te glisser
Onduler le long des haies
Humer les fleurs les herbes les autres animaux la vie
Respirer toute cette vie
Avaler toute cette vie
Jouir de toute cette vie dans tes pattes tes longues griffes qui lacéraient parfois les étoiles
Trotter courir marcher t'asseoir te rouler te déplier sauter dévorer ta gamelle
La poubelle
Les assiettes sales
Les mouchoirs en papier
Les boulettes d'aluminium au risque d'en mourir
Peu à peu l'énergie a quitté ton grand corps solide - crémeux devant mes yeux
Alors que ta tête, elle, réclamait encore encore encore des biscuits gâteaux vaisselle à lécher
Encore la veille au soir
Et même le dernier matin
Ta promenade chaotique, le regard un peu opaque,
Cahin-caha vers moi, muscles erratiques,
Tu n'entendais plus rien, tu me détectais au son de mes mains
Je tapotais sur mes cuisses, t'appelais, t'enlaçais de mes deux bras.
Et voilà,
Samedi 11 août,
Ton arrière-train s'est écroulé
Je n'ai plus jamais pu te relever
Tes yeux semblaient me supplier, j'ai peut-être rêvé
Ou pas
J'espère avoir su t'écouter,
Ne pas m'être trompée,
Maintenant ? Avant ? Plus tard ? Quand ?
Décider qu'il est l'heure
Déterminer le moment de la piqûre
Après ce trajet en voiture,
Ma main sur ton large crâne
Toi si confiant
Moi si malheureuse
Bon sang, ces mots sont pathétiques.
Je suis restée avec toi jusqu'au bout,
Tout contre toi, par terre, mon buste sur ton dos,
Ta tête entre mes cuisses,
Ton museau tout chaud,
Ta respiration sifflante puis profonde
Ton souffle s'engouffrait en moi
Tes yeux bruns se sont enfoncés dans leurs orbites
Et soudain ce silence.
Définitif.
Bientôt
Dans le jardin que tu aimais plus que de raison
Tu sens, les pommes sur le gazon au fond,
Là, tu seras, près des bambous, des taupinières,
Ta nouvelle chaumière,
De nouveau, tu seras vif
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Regus, alias Nounout ; 11 février 2005 - 11 août 2018 |